La fin de l’année est propice aux bilans. Mais quel bilan tirer dans la dévastation en cours ? Aucun lieu n’étant hors du monde, nul bilan, où qu’on soit, ne saurait être dressé sans effroi. Et avec l’effroi, pour un lieu comme le nôtre, va le questionnement sur le sens et la portée de ce qu’on entreprend. Quand partout règne l’empire de la mort et de la destruction, à quoi bon la création, la culture, l’école ? Si l’on ne peut échapper à ces questions, on ne peut pour autant se résoudre à l’inaction. Je crois qu’on doit au contraire ne rien céder sur l’engagement dans la création, la culture et l’éducation. Et tenter, sans naïveté, d’accueillir décemment les générations qui viennent pour contribuer à élaborer avec elles un monde un peu moins dévasté. C’est là du moins ce que nous essayons de faire à l’École des Arts Décoratifs, autour d’un socle de valeurs partagées, en variant les échelles, les formats et les lieux, dans nos murs comme au-delà. 

Formation, recherche et création sont les trois missions de notre école. Petit exercice de méditation de fin d’année : concentrez-vous un instant sur ces trois mots, dépassez leur usure et retrouvez ce qu’ils recèlent d’absolu, de dynamique et d’ouverture vers l’avenir. Comme dans « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », la nouvelle de Borges qui inspire le titre de l’exposition de diplômé·es que nous présentons à Poush, l’école est cet endroit où « le temps bifurque perpétuellement vers d’innombrables futurs ». C’est pourquoi elle est un lieu fondamental et merveilleux qui exigera toujours de notre part le plus grand soin. 

Que la fin d’année vous soit douce.

Emmanuel Tibloux
Directeur de l'École des Arts Décoratifs