Repérage

“100 %” à La Villette : 5 jeunes artistes qui nous ont tapé dans l’œil

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Ils sont tout juste diplômés de l’École des beaux-arts de Paris, des Arts déco ou de l’école de photographie d’Arles. Les plasticiens réunis à la Grande Halle de La Villette pour le festival « 100% » sont jeunes, pratiquent la peinture, le dessin, l’architecture ou le cinéma d’animation. Ils nous parlent de l’art d’aujourd’hui et de demain, de l’époque et de leurs aspirations. Repérage, comme chaque année, en cinq noms à retenir absolument.

1. Armelle Antier, une architecture de l’intime

On les appelle les « architectes de papier » : ceux qui ne construisent rien, qui n’élaborent que des projets imaginaires. Armelle Antier (née en 1995) va plus loin. Pour son projet de diplôme, Je veux bien d’un monde où les architectes ne construisent plus (2020), elle a présenté au jury de l’école des Arts décoratifs un ensemble de dessins et de plans réalisés d’après son appartement, et d’après ceux des habitants de sa résidence à Ivry-sur-Seine. L’idée ? Étudier le déjà-là, le domestique, observer les usages et le décor du quotidien, plutôt que de « changer un lieu », explique-t-elle. Armelle a débuté son projet en septembre 2019, visionnaire du confinement à venir et du recentrement que chacun a opéré sur son propre intérieur. Elle montre donc ici ses minutieux dessins, où des annotations sensibles indiquent le sens des objets (« lit bateau en bois, était pour sa fille enfant »), ainsi qu’une guirlande réalisée à partir des prospectus accumulés dans sa boîte aux lettres, ou encore son bureau reconstitué, jonché de livre (dont La Vie mode d’emploi de Georges Perec), de photos de la fête qu’elle a organisée dans sa résidence et de mots de voisins. Chez soi, une odyssée, comme dirait Mona Chollet.

Armelle Antier, Carnet de relevés habités – dessins chez Camille et Maxime, à gauche et chez Armelle Chris Dara et Hélène, à droite
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Armelle Antier, Carnet de relevés habités – dessins chez Camille et Maxime, à gauche et chez Armelle Chris Dara et Hélène, à droite

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© Armelle Antier

2. Emma Riviera : bienvenue à Fos-sur-Mer

Emma Riviera, Petit Pêcheur
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Emma Riviera, Petit Pêcheur, 2018

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© Emma Riviera

Une femme en maillot rouge sur la plage, une mascotte géante qui sert dans ses pattes en peluche un jeune garçon, un caniche blanc, l’incendie de meubles laissés dans la rue… Le fil rouge qui relie les images d’Emma Riviera (née en 1995), fraîchement diplômée de l’École de la photographie d’Arles, tient en un seul nom : Fos-sur-Mer, soit une commune balnéaire des Bouches-du-Rhône sans éclat, où la plage côtoie les usines polluantes et l’éclat fluorescent des gilets jaunes. Dans cette série prise au flash, les dialogues jouent de tête-à-queue et d’incongruité, illustrant dans un sourire grinçant un morceau de la France périphérique. L’harmonie de l’accrochage est parfaitement calibrée, et ne tient parfois qu’à une tache de couleur jaune. Les Idées fausses (2018–2020) – dont le titre résonne phonétiquement avec Fos-sur-Mer et chatouille le sens du grotesque des images – se lit comme un kaléidoscope d’impressions liées à une ville, autant qu’à un pays, à une époque.

3. Raphaëlle Bertran, peintre obscure et (déjà) géniale

Raphaëlle Bertran, Private Hell
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Raphaëlle Bertran, Private Hell, 2020

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Huile sur toile • 195 × 130 cm • © Raphaëlle Bertran

Il y a peu de peinture dans cette édition de « 100% » – la scénographie ne s’y prête guère – mais Raphaëlle Bertran (née en 1992), formée aux Beaux-Arts de Paris, nous tape dans l’œil immédiatement. Actuellement en résidence à la Villa Belleville, l’artiste montre ici trois toiles grand format, où l’huile côtoie la peinture en spray. Ces visions nocturnes et vaporeuses (grâce à la maîtrise de la touche de l’aérosol) sont peuplées de petits personnages costumés, de châteaux médiévaux, d’animaux bondissants. Autant de saynètes énigmatiques qui flottent dans le ciel brumeux, jouets d’aventure éparpillés sur le sol d’un imaginaire chevaleresque où rugissent des monstres. Sur l’espace de la toile, ils sont les touches de lumière volontiers inachevées de ces paysages sombres de fond d’encrier… Un travail un peu surréaliste, tout à fait gothique, et diablement séduisant.

4. Les musées accidentels de Capucine Gougelet

Formée au cinéma d’animation au sein de l’école des Arts décoratifs, Capucine Gougelet (née en 1995) montre ici son court-métrage Please don’t touch (2020), déjà projeté dans une vingtaine de festivals et lauréat de quatre prix. Au programme, neuf minutes amusantes dans un univers muséal en rouge et noir, l’autrice s’étant inspirée d’articles de presse racontant des accidents et des gaffes au musée. Elle voulait aussi, nous explique-t-elle, défier le blanc du white cube pour y faire apparaître ses propres images. Ses bonhommes, aux larges épaules et aux petites têtes rondes, sortent leur appareil photo malgré les interdictions pour capturer – au sens propre ! – les œuvres d’art, s’électrifient en voulant s’approcher d’une sculpture ou encore perdent leur doigt en tentant de toucher une œuvre. Aïe ! Le musée serait-il une aventure à haut potentiel de dangerosité, plutôt qu’un lieu sage où règne le silence ? Un court comique très prometteur !

Capucine Gougelet, Image extraite de « Please don’t touch »
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Capucine Gougelet, Image extraite de « Please don’t touch », 2020

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© Capucine Gougelet

5. Joël Harder, acte de disparition d’une forêt gay

Joël Harder, Battue en cours
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Joël Harder, Battue en cours, 2020–2021

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Photographies, vêtements, accessoires, odeurs, sons, vidéos

Une tente, des accessoires de camouflage hérissés d’épingles (pour mieux attraper les feuilles mortes), un herbier en cuir, quelques photos… Éparpillés sur le sol, ces éléments sont les indices d’une histoire à reconstituer. Pour Battue en cours, Joël Harder (né en 1996) s’est intéressé à une forêt proche de la maison où il a passé son enfance : bien connue des chasseurs de la région qui l’investissent le jour, elle accueille à la nuit tombée des homosexuels anonymes venus draguer entre les arbres… Mais bientôt, un projet municipal transformera ce bois interlope en promenade familiale dotée de divers équipements, et effacera tout un pan de son histoire. Minutieux et transdisciplinaire, le projet de Joël Harder, qui a longuement enquêté sur l’endroit jusqu’à s’y cacher pour observer ses usages, se divise en une édition d’artiste (vendue chez Yvon Lambert) avec textes et photographies, différents objets dont cette tente à la toile peuplée de végétaux et de corps nus, mais aussi un parfum – résultats de partenariats avec des artisans, designers, nez et archéologues.

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Festival 100%

Du 25 mars 2022 au 30 avril 2022

lavillette.com

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